Mise à jour 27 juillet 2020
La photo montrant des naufragés secourus par un navire de guerre allemand vient d’un livre de la collection d’Alfred Kühn. Elle ne montre pas des marins de l’Athabaskan.
Alfred Kühn
Le 26 avril 1944 le T24 est atteint par un obus sur le pont, la cabine radio est atteinte et prend feu, l’incendie est très vite maitrisé, mon père est blessé. Il y a 5 morts, un des meilleurs copains de mon père en faisait partie, un dénommé KURT HASEBRINK de Stuttgart.
Kurt Hasebrink
Lors de ce combat le T29 est coulé.
Dans la nuit du 28 au 29 Avril 1944, à 2h 58 est détecté sur les écrans radars deux torpedoboote (torpilleurs) allemands étant identifiée comme les T24 et T27. Ironie du sort, ces deux navires allemands ne sont autres que les T24 et T27 qui, trois nuits auparavant, se sont fait sérieusement étriller par les alliés dont le Haida au large des Sept-Îles. Au cours de cet engagement, la Kriegsmarine a même perdu son T29 tandis que les T24 et T27 se réfugiaient à Saint-Malo, assez sérieusement endommagés. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’ils ont repris la mer cette nuit du 28 au 29 avril et font route sur Brest, le seul port rapproché où ils trouveront la possibilité de réparer leurs avaries.
T24
Devant Brignogan et Plouescat les destroyers canadiens Haïda et Athabaskan engagent le combat contre les deux destroyers allemands.
HMCS Athabaskan
Soudain l’Athabaskan est touché, ravagé par le feu et les explosions, il coula en 10 minutes devant l’Aberwrac’h.
Image tirée du livre Unlucky Lady
Le Haïda recueille quelques survivants, d’autres seront faits prisonniers, d’autres encore s’échappent vers l’Angleterre à travers la zone minée. Quelques jours après la mer rejette des dizaines de cadavres de ces marins dont celui du commandant John Stubbs.
Ils seront ainsi 59 à être recueillis et inhumés au cimetière de Plouescat.
48 survivants ont été repêchés et sauvés par le T24, le bateau de mon père.
Quand il a reçu le message faisant état « d’hommes noirs » à la mer à l’endroit où Athabaskan a coulé, le Kapitänleutnant Wilhelm Meentzen a fait augmenter l’allure.
« Peu importe leur couleur, dit-il, ce sont des êtres humains et nous allons les sauver. »
Et lorsqu’il arrive sur les lieux, il découvre bien vite que ces « hommes noirs » ne sont en fait que des hommes englués de mazout.
Le prompt retour des Allemands sur la zone du torpillage va permettre de sauver nombre de naufragés qui auraient péri dans l’heure suivante. Ils vont être faits prisonniers, c’est un fait, mais ils auront tous la vie sauve.
« Wilkommen Kameraden ! » « Bienvenue camarade »
C’est en ces termes que les Canadiens sont accueillis à bord des navires allemands. Entre marins, il existe toujours une solidarité qui se moque bien des pavillons. Et eux aussi, tout comme ceux du Haida, ils vont descendre le long des filets qui pendent à leurs coques afin d’aider les plus faibles. Pareille attitude porte un nom quand on fait la guerre ; cela s’appelle tout simplement chevalerie.
Suite du récit raconté par mon père:
La flottille du T24 et T27 lors du passage de Saint-Malo à Brest entre minuit et 4 heures du matin, il y avait plusieurs bateaux américains, anglais et canadiens dans les parages et au début du combat nous ne savions pas quels navires approchaient pour nous attaquer. L’artillerie et les torpilles furent employées ; les torpilles lancées par le T27 passèrent près de nous et nous vîmes par la ligne de phosphore dans l’eau le mouvement des torpilles.
Le T27 qui était à côté de nous était touché et il brûlait sur le côté droit. Il est passé de nouveau à côté de nous.
Notre navire se tourna vers la mer…. vers 4 heures 15 nous vîmes une explosion, mais nous ne savions pas quel bateau avait été touché ; ça pouvait être un des nôtres ou un des leurs. Vers 5 heures trente, nous retournons sur les lieux du combat, il est 6 ou 7 h, nous vîmes des hommes en mer. Le Capitaine Lieutenant Wilhem Meentzen donna l’ordre de faire le sauvetage. Nous préparons donc le bateau pour le sauvetage, ce qui était difficile, car à ce moment-là nous étions seuls sur la mer, l’autre bateau, le T27 s’était échoué sur la côte. Lorsque nous nous approchons des naufragés, nous constatons qu’ils étaient noirs. Au début, nous crûmes qu’il s’agissait de personnage africains, mais nous réalisons que c’étaient des blancs recouverts de mazout. Nous leur avons d’abord nettoyé le visage, les mains et leur avons enlevé leurs vêtements. Nous leur avons aussi fait cracher le mazout qu’ils avaient avalé. Nous en avons rescapé 48, je suis sûr, qu’il y en avait un qui était malade, et un autre, un jeune est mort sur notre bateau.
Dans le cahier journalier du Lieutenant commandant Dunn Lantier du Destroyer Canadien Athabaskan rescapé et sauvé par le T24 est rapporté ce qui suit :
29 Avril 1944 :
Aux environs de 7 heures 15 je suis recueilli à bord d’un destroyer et emmitouflé dans une couverture. Nous sommes 48 rescapés. Nous nous frottons tous car nos habits étaient trempés. Les blessés graves étaient également emmitouflés dans des couvertures. Du café allemand, des cigarettes étaient distribuées, ces provisions étaient suffisant pour cette première heure. Dans la première demi-heure un des blessés décède, il nous est emmené sur une couverture. Les allemands soignent nos blessés du mieux qu’ils le peuvent, la plupart étaient brûlés, il n’y avait pas grand-chose à faire, ils résistaient à la douleur. Il faut souligner que nous étions tous sous le choc de la catastrophe puisque nous avions passé plus de deux heures dans l’eau glacé de la mer. Vers 11 h le capitaine du bateau nous apporta une bouteille d’alcool « weinbrand » pour les grands blessés, je leur ai donnés un grand coup à boire, et nous autre un petit pour goûter. Devant trois officiers Steve (Dick Stevenson) qui est gravement brûlé et a eu un grand coup à la tête. Nobby (Bill Clark) brûlé aux mains au 3ème degré et légèrement brûlure au visage. Moi également je suis blessé une coupure à un doigt, je réconfortais mes copains tout en sachant qu’il n’y avait pas grand-chose à faire. Aux environs de 12 h 30 on nous apporta de la soupe et du pain. Vers 14h 30 on nous dit d’ouvrir les hublots, nous vîmes un remorqueur se rapprocher, et ils nous font savoir que dans une heure nous débarquons à Brest.
Dans cet affrontement le T27 après avoir était touché à trois reprises, va s’échouer sur les récifs de l’île de Batz !
Le 29 avril 1944, le destroyer canadien Athabaskan était coulé par les Allemands au large de l’Île Vierge (Finistère). 128 des 261 marins périrent. 85 survivants, dont le canonnier de 21 ans, Herman Sulkers, brûlé au visage, furent capturés par la Kriegsmarine et conduits à l’Aber-Wrac’h, plus les 48 survivants recueillis par le T24.
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Chapitre 2: les souvenirs de guerre d’Alfred Kühn
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Bravo, Kapitänleutnant Meentzen!
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La lecture de ces deux histoires inédites le voile sur le sort réservé en France aux prisonniers de guerre allemands après la guerre.
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L’histoire de Willi Küllertz est terminée, mais pas celle d’Alfred Kühn. Il reste encore trois chapitres.
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